Tour à Tour, Anne-Laure Vieli

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Farce existentielle

 

 

 

A tout vous dire…rien ne sort …de terre à terre…Moi minuscule éphémère

 

 

je voudrais vous rendre des comptes …quelle histoire !
Et pourquoi moi après tout…y’en a tant d’autres qui m’entourent ! J’aurais ce privilège ? ! On m’aurait choisi ! Qui, mais qui ? L’autre ouistiti, celui qu’on nomme à tort et à travers, ou tout bêtement je me suis choisi…oui, mais pas moi enfin…faut pas croire, je ne suis rien là devant vous…qu’une langue qui s’agite, des yeux qui captent le bleu des cieux. Bon, revenons à ce qui nous intéresse le plus ! Nous, là, les humains, drôles de bestioles insaisissables, dès qu’on se prépare une tartine de théorie voilà qu’elle est indigeste, périmée, tout est à renouveler ! Alors je peux raconter n’importe quelle histoire, c’est pas dit qu’on se mette à la croire !

Une histoire à s’éveiller, du coup ! Il était une fois…non, 1000. 10000. 36000 fois la même rengaine…le refrain qui serine, ou rien qu’un souffle, oui, un souffle…
( au musicien) Orphée, donne-moi le sol, je veux chanter ! Ou grimper ? Heinz (au performer qui monte sa tour), attends-moi j’arrive !C’est du solide ton escabeau ?Fais-moi la courte-échelle! Heinz Bauman, tu m’entends ? Je te cause à bâtons rompus et toi tu gigotes dans tes ficelles, tu construis ton mikado ! Heinz, c’est pas sérieux ! A quoi ça sert tout ça ? Tu veux m’embobiner une fois de plus ? Que je la raconte, notre histoire ?

Y a pas de début, y a pas de fin…c’est malin ! Et ce silence !...Qu’est-ce qu’il y a dans ta tête, Heinz ? La femme, des femmes, des sorcières, des sirènes, des nymphes, des Amazones, des Déesses…Elles sont là, Heinz, elles bougent dans les tréfonds, les mystérieuses, les voilà ! (entrée des Norn, chant))

Qu’est- ce qu’elles t’ont fait, Heinz, tu as peur ? Tu veux leur échapper, peine perdue, tu redescendras de ton 7 eme ciel, c’est dans les racines que tu trouveras ta sève ! Aïe, je perds la boule, j’ai la mémoire qui foire, c’est quoi notre histoire ?

Celle de la pomme ? Elle me reste coincée dans la gorge, j’en crache les pépins à la face de tous les paradis perdus ! C’est pas de notre faute, Heinz, y a pas de fautes, de péchés, Amen, j’ai dit !

Mais je m’égare, j’ai la mémoire qui foire !
Bedjette ! J’ai un blanc, un trou grand comme l’univers ! et rien…suspension…au point mort plus rien…le vide ! Heinz, tu as peur du vide ? Comment fais-tu ? Tu n’y penses pas , c’est ça ? « Je pense donc je suis » voilà l’enfer ! La caboche, le cérébral, le mental ! Ca nous tue, Heinz, à petit feu…mais pour de bon ! Je veux bien devenir folle si je mens !

Mais si je réfléchis : le tiers du carré du double de la racine de mon cervelet me permet quand même de progresser ! N’est-ce pas Heinz, il y a évolution, technique, sophistique, logistique, politique,économique, diplomatique….où est le hic ? Ouille, plein la citrouille, je ne trouve plus le fil de la grande histoire ! Qu’est-ce qu’on fait là ? On passe le temps à faire semblant…à se raconter des histoires !

Oh, comme…. celui qui veut tout posséder. « A moi ! » sont ses premiers mots ! « C’est à moi- n’y touche pas ou je te déclare la guerre !

Il monte les tours, se barricade à son corps défendant !

- C’est écrit, les Ancêtres l’ont dit, les lois sont pour moi, j’ai raison, tu as tort !

- Menteur, voleur, violeur, terroriste, profiteur, exploiteur, je vais te montrer !...et vlan, une petite bombe prête à éclater ou deux avions qu’on lance dans les tours…

Et tourne…tournent les pages du sang versé, des massacres à bon marché !

Heinz, comment changer le cours des choses ? Elle me revient en boucle cette histoire, elle hante ma mémoire de cauchemars !Il était une fois un chef de clan, un roi, un président, un opposant qui voulait prouver qu’il était le plus grand, le plus puissant, le plus convaincant…tu devines la suite….spectacle tout public ! Et les rôles sont redistribués, souvent à l’opposé, les gagnants deviennent les perdants jusqu’au prochain tour !

Continue Heinz, ne m’écoute pas ! Construis, bâtis, c’est l’avenir ! Montre ta puissance au monde ! Tu te sens seul, détrompe-toi ! Ils sont comme toi depuis des siècles et des siècles, Amen. Tu les entends ? (percussions Norn) Tu les entends les bâtisseurs, les frondeurs, les faiseurs de rêves, les bricoleurs de l’Invisible…Ils s’amusent du nombre d’or- rapport d’harmonie- du temple à la pyramide, du Parthénon au Modulor, de la cathédrale à la pyramide du Louvre…Ils érigent, ils éructent, de pierre en pierre, une prétention , une propulsion de génie à la verticale, leur désir pointé vers le ciel et grondent celles qui les inspirent (Norn Babel)

Pause Heinz ! Elles te regardent. Trêve. Tu n’as rien à prouver, rien à obtenir. Tu n’es qu’un grain de sable dans le rouage. Petit grain de sable (elle en prend dans sa main) tu rêves d’un château, c’est ça ? Petite poussière, tu salis, tu encombres, poussière des ans, poussière des siècles, nous, gros tas de poussière !

« Vous me servirez 65 kg de poussière pour respirer pendant environ 100 ans ». Ca vaut le coup, non ? Et on peut la reproduire à plus ou moins grande échelle ! Mais que surgisse un ouragan, non, une inondation, non, une bonne grippe porcine, non, un tremblement de terre, le cancer, une tornade, le sida, un cyclone et…oh….petit grain de poussière, quelle misère ! Où est ton château, tes joujoux favoris, tes fonds propres et sales…engloutis !

Savez-vous que le nombre d’or se retrouve aussi dans le marché des actions, la croissance de la population, l’écorce des ananas et le cœur du tournesol ?

Mais je perds la boule, j’ai la mémoire qui foire, où est mon histoire ?

Baumann, prends ton bâton de frêne, au boulot ! Touchez du bois, Mesdames, un tuteur ? Ou un manche qui vous branche ? (Bedjette lance le bâton aux Norn)

C’est le plus solide, le frêne, tu maîtrises, Heinz, un bon coup de frêne et on oublie sa peine, plus de rhumatisme, plus de goutte, plus de fièvre que celle de l’amour !

A votre queue de billard, les douces (les Norn rient) ! C’est le bois de votre carosse, fées Carabosse, souple et dur pour vous envoyer les plus beaux airs !

Mangez-le, chèvres ensorcelées, pas d’écharde pour votre chatte adulée, chaud aux mains, il vous brûle le cœur ! Car son parasite, la Cantharide, est un philtre d’amour ! Attention à la dose ou la merde s’impose ! Ne deviens pas pleureur, frêne, tout nu avant les autres, tes lances transpercent, tes manches de hâche rythment la tâche ! (Norn 3 vla nagale)

Vise toujours plus haut, Heinz, comme le frêne ! Serais-tu né d’un frêne, un Yggdrasyll comme Odin de la légende qui rencontra les Norn aux terribles épreuves ?

Heinz, tu es comme le frêne, têtu, volontaire, indépendant, tu n’as qu’un souci : avancer ! Et les Norn, maîtresses du Destin t’aspergent de chant pour que ta branche reste vive !
Pour elles, j’oserai une petite histoire :

Trois femmes, trois grâces, trois beautés
À l’œil aiguisé
Se sont liguées
Chacune a apporté son talent particulier
La brune sait enchanter
La noiraude charmer
La blonde ensorceler
Elles se sont fixé un but :
Aucun homme ne leur résistera
Une fois séduit
Il mourra
Telles des sirènes elles hantent les eaux troubles de la passion
Pour affûter leur stratagème
Elles se déguisent en vierges blêmes
Innocentes, tendres et badines
On dirait de vraies gamines
L’homme rassuré ne peut qu’être attiré
Par le babil gracile de ses trois protégées
Tout commence quand il en choisit une
Admettons que ce soit la brune
Les deux autres comme harpies
Enchaînent scènes de jalousie
L’homme excité est ravi
Toutes trois lui font envie
Alors la brune sort de ses gonds
Et lui avoue son nom
Aphrodite la maudite
L’homme prend peur
Il ne sent plus battre son cœur
Mais c’est trop tard
Il a planté son dard
Dans la chair de la Déesse
Qui gémit sans cesse
Les deux autres comme guerrières
Le saisissent par derrière
Et lui font endurer
Le pire malheur des passionnés
Le comble, le plein paradisiaque
Qui l’écoeurera après ses frasques
Mais l’homme est résistant
Et répond toujours présent
Alors Aphrodite fâchée
Le vieillit en un instant
Comme soufflé il retombe maintenant
Et ne peut que murmurer
Encore !

Depuis ce temps, l’homme rêve d’éternité Pour lui pas de pitié ! ! (Norn 6 aïdiumeï)

Heinz, tu respires encore ? Ce sont elles qui te forcent à continuer ?
Heinz, pourquoi te fatiguer ? Pour quoi ? Pour qui ?
Pour aller au paradis, laisse-moi rire ! A quoi tu joues, Heinz ? (Silence)
Tu connais la chanson :

Refrain
Toujours, encore

Plus de meilleur
Pas de malheur
Pas de douleur

Toujours heureux
Toujours au mieux
Toujours toujours
Jamais jamais

Toujours encore
Encore du bien
Jamais chagrin
Perlimpimpin
Rêver toujours
Plus loin toujours
Plus haut toujours
Voler toujours

Faire la fête
On se la pête
Toujours vivant
Perdre la tête
Toujours encore plus de meilleur
Pas de malheur pas de douleur

Pas de pitié
Baisers volés
Plaisir aspire
Toujours encore
A moi à moi à moi
Emoi !

Abracadabra, mais ça n’existe pas tout ça ! Heinz, tu rêves ? Patatra, dégringole de ta tour d’ivoire ou tu vas te faire mal !
Imposssible c’est français, c’est même la réponse à tous les jeux d’éternité !

Ca ne peut pas durer. Point final. Dictée abrégée et musicale pour cycle d’humanité : inspir- expir- point d’orgue- final- (elle démontre la chose an s’amusant, singeant les pleurs du bébé, les souffles de l’amour- les râles du vieillard) Je pourrais continuer une éternité…Vous voulez essayer ?(les Norn s’y mettent)
Toi aussi Heinz, tu es en train de changer…à chaque seconde tu vieillis, profite de grimper, gamin, avant de t’accrocher à ta canne comme le pauvre St Volusien qui a eu la tête tranchée par les Goths et dont la canne s’est transformée en célèbre frêne. Drôle d’histoire de vie !

Ah, si l’on pouvait tout contrôler ! Rajouter une petite cellule en trompe l’œil pour narguer la Faucheuse ! Ou se faire cloner ? Bof, des clowns y en a assez ! S’améliorer, se recréer, qui n’y a pas songé ? Dieu peut-être ! Les pouvoirs de la création, du bidon ! Un mauvais génie serait toujours là pour mettre son grain de sel…et tout faire sauter ! Tout est à double face sur cette sacrée maudite terre !

Norn :
SKuld : Si tu dis
Verdandi : Noir
Skuld : elle répond
Urd : Blanc
S : si tu dis
V : je t’aime
S : elle répond
U : pas moi
V : je ris
U : je pleure
V : arrête
U : je commence
V : mal
U : le bien
V : beau
U : l’horrible
V : enfant
U : vieillard
V : qui croit
U. plus
V : avoir
U : sans
V : voir
U : aveuglément
V : une peine
U : joyeuse
V : le remplir
U : de vide
Bedjette et Skuld: Stop !
A califourchon sur le oui et non
A l’opposé
A l’envers
Qu’y faire ?
Noir ou blanc
C’est méchant
Faut choisir
Quoi de pire
Un coup ou un baiser ?
Un baiser dans le cou
Ca c’est l’Unité


Heinz, réponds à la devinette : où vont deux opposés qui se rencontrent ? ? …A la verticale ! T’y es, mon gars, cramponne-toi ! Si tu crois y trouver quelque chose…tu te trompes, y’a rien au bout !Pas de carotte, pas de trésor, pas de paradis ! Misère ! Mystère de tous les temps où te caches-tu bon sens ?
(Norn 4 Pulpulon)

Il était un vieil homme tout plissé, couché dans un grand lit blanc. Ses yeux fixaient le plafond, il respirait en s’agitant. Un moucheron se posa sur son nez. De deux doigts il l’écrasa puis regarda sa main… longtemps…enfin…le temps n’existait plus. Seuls les pas de l’infirmière rythmaient ses journées. « Plus rien d’important » marmonnait-il…ou peut-être une seule question qui le taraudait : « Et après ? » Il savait ses jours comptés. Sa vie, il l’avait consacrée à la science, à l’expression de l’humanité …Après des traversées de désert, l’inespéré le faisait jubiler, comme une trouvaille qu’il n’attendait pas et qui apparaissait grâce à son intuition. C’ était le plus beau salaire. Un dialogue avec l’absolu…Parfois il frisait la folie…quand il refusait les leçons d’humilité où il devait abandonner son expérience, le doute au fond de lui…

Et maintenant ? « Rien devant moi » pensait-il… « Les témoignages de tunnel de lumière, de voix d’anges…encore une hallucination du cerveau, une de ces illusions dont se gave le genre humain. Pas de réponse…Et plus d’énergie pour chercher. Avant, oh, avant… »Il se revoyait seul dans son laboratoire. « Seul, toujours, mais pas plus mal … surtout assis face au lac…cette lumière translucide, les tons de bleus qui pénètrent, qui baignent de paix ! La lumière, mon obsession !...pas tant qu’Albert !Moi pour faire fasse à l’Immense, je me suis spécialisé dans l’infiniment petit…Peut-être pour me rassurer…ou pour y capter, y saisir quelque chose…Peine perdue…une découverte ouvrait un champ encore plus complexe à décortiquer…infini…huit renversé, humain détrôné…toute ma vie, je me suis acharné…Et maintenant, maintenant ? Il sentait ses tripes en pagaie, la peur au fond des entrailles… « Ah, comme je me suis vanté de ne pas craindre la mort, mais elle pue à distance, et personne pour m’aider à affronter ça, pas même la charmante infirmière. Seul avec ce cerveau renommé qui va dégénérer et se décomposer comme chez le plus idiot des hommes…Ca vaut bien la peine…qu’on ne me raconte pas d’histoires…Les histoires que j’inventais pour les mômes, voilà bien ce qui me faisait plaisir dans la vie » Les enfants le surnommaient « Tournebristol » car il ôtait toujours son chapeau avant de commencer une histoire. La préférée des gosses : celle du glaçon qui se croyait seul au monde.

-Un glaçon bien taillé crânait au milieu d’un verre de sirop grenadine. « Pfouille !toute cette eau autour de moi, pleine de gaz et colorée, beurk, ça colle en plus !Je suis solide, moi, et s.v.p en forme de cœur, une valeur inestimable, rafraîchissant, unique au monde ! » Mais à chaque fois que l’enfant portait le verre à sa bouche, le glaçon était bousculé et râlait : « Pas moyen qu’on me fiche la paix, quels tourments ! On m’en veut, c’est injuste ! » Et il sentait le niveau de l’eau rouge baisser à vue d’œil. Il se lamenta tant qu’il fondit, fondit… « C’est trop injuusttte » furent ses derniers mots. L’enfant vit le fond du verre rempli d’une eau rosâtre, il la porta à sa bouche et la cracha dans la rivière. Le glaçon n’existait plus, mais il était toujours là dans les vagues. L’eau du glaçon se mélangea, tourbillonna pour arriver…à la mer !

Et là sous les tropiques, une chaleur torride happait comme une baguette

magique les gouttelettes d’écume (bruitages des Norn). Elles se transformèrent en nuages menaçants qui envahirent tout l’horizon…

Oui, le tonnerre et l’éclair s’embrassèrent et l’enfant cria : « Il flotte ! »

Et tendit son verre pour récupérer les gouttes de pluie. Puis il dit : « Si j’en faisais un glaçon ? Tiens, je lui donnerai une forme de cœur ! » C’est l’histoire d’un glaçon qui se croyait seul au monde… Les enfants raffolaient de cette histoire et Tournebristol la racontait 2-3-5 fois de suite devant des bouches- béé, des rires étouffés. C’était son plaisir, son grand plaisir.

-Et maintenant que raconter ?

Il n’avait plus parlé depuis des jours. Prisonnier de ses pensées, ficelé dans sa trouille comme un tout petit garçon. (Norn 7 assur)
Tournebristol soupira.
- Je ne sais pas, je ne sais pas ! hurla-t-il, je ne sais pas !
Et il éclata d’un rire si fort que l’infirmière accourut. Il était mort le sourire aux lèvres. (Bedjette fredonne le dernier air des Norn)
Heinz, je t’ai saoulé, je cause trop ! C’est fini ! Plus un mot ! Oh, toi, toujours à te taire ! Je dois deviner tes pensées, lire entre les lignes ! Tu me fais souffrir, Heinz ! Je souffre donc j’existe ! C’est ça la formule ! Et on peut l’apprêter à toutes les sauces !
« Ah, cruel, tu m’as trop entendue ! »
« Ò rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie ! »
« Etre ou ne pas être, that is the question ! »
La tragédie, Heinz, l’humaine tragédie ! Admettons que l’on ne s’en débarrasse pas ! Qu’elle nous colle à la peau, comme si on était tombé dedans !(Bedjette cherche à s’en débarrasser en disant « ça va !¨ oh. Oui, ça va.. » les Norn l’imitent et jouent entre elles : ça va, oui, ça va…)

B : Heinz, ça ne va pas !!!c’est la cata partout, le bateau sombre, sauve qui peut ! Redescends, faut s’occuper de choses sérieuses ! La terre souffre ! Les hommes n’arrêtent pas de se plaindre ! Et qu’est-ce que tu fais ? tu joues !!!
Petite comptine :
Tout va sauter

On a tout cassé Faut pas râler
On l’a programmé !

L’homme a enfourché sa monture pour le coincer dans le passé ! Il s’insurge, glapit, se contorsionne pour retrouver le bon vieux temps, la belle époque ou alors la sale guerre, les slogans égalitaires, mais aussi une économie qui fleurit, la liberté des marchés, la mondialisation ! Sa monture se cabre, elle galope en avant : comment maîtriser le réchauffement planétaire, la crise financière, que faire de la découverte moléculaire qui permettra d’y voir clair dans vingt ans ? C’est le tourbillon des illusions. L’équilibre entre Babel et la tour de Pise, entre nostalgie et mouise !
Tout va sauter
On a tout cassé
Faut pas râler
On l’a programmé

La monture patauge dans la gadoue ! Une immense poubelle planétaire, les ressources sont épuisées, les espèces en voie de disparition, à qui profite la consommation !…Mais l’humain rehausse ses lunettes et s’enfonce, s’enfonce…dans l’exploitation
Tout va sauter
On a tout cassé
Faut pas pleurer
On l’a programmé

Vieilles pierres , témoignez ! Combien de boulets jetés, de meurtrières utilisées pour tout flanquer par terre ! Combien de pendus, de gazés, de torturés, de violés, de tués pour nous faire évoluer ?! Oh, les morts, vous parlez ? Ou vous rigolez de nous voir faire toujours le même numéro, avec toujours plus d’habileté, de technique élaborée !
Tout va sauter
On a tout cassé
Faut pas pleurer
On l’a programmé
Heinz, je m’emballe, je me tire des balles, lance-moi ton frêne en plein cœur, qu’on arrête la douleur ! Exit ! Non, trop vite ! Laisse-moi encore du temps ! Laisse-moi voir ce monde et digérer cette tragédie, qu’on en rie qu’on en pleure puisqu’il est prouvé que les larmes d’impuissance sont toxiques, lâchons-les !
Tout va sauter
On a tout cassé
On peut pleurer
On l’a programmé
Heinz, viens me rejoindre, écoutons passer les temps, elles tissent les fils de nos pensées, ces femmes qui nous font rêver ! (Norn jossrot)

Plutôt la vie ! Heinz, tu veux que je rie de me voir unique dans mon miroir ? En reluquant mes points noirs, mes rides et mon désespoir ! Tu sais comment je suis devenue clown Heinz ? Sans rien faire ! C’est inné ! On ne me prend pas au sérieux, je mets les pieds dans le plat, je dis les choses qu’il ne faut pas ! Et quand je me tais, c’est pire ! Ils rient ! (silence)
Heinz, tu es fier de toi ? Je te soupçonne de vouloir être rien qu’un tout petit peu plus grand, encore plus malin, rapide comme l’éclair, riche comme Lucifer ! Infaillible, invulnérable- un héros, quoi ! Et ça te tire en haut, pas vrai ?
Ben, pour moi, te faudrait pas un centimètre de plus, je t’aime comme tu es, Heinz, oh attention, faut pas croire que c’est de l’amour qui roucoule et qui finit en ptit bonhomme encore plus petit que toi…d’ailleurs, me semble que tu as déjà trempé dans un nid de Norn…ou je me trompe ? Où est la coquine qui t’a enchanté pour enfanter ?
Non, moi c’est pas sérieux ou plutôt c’est si grave que ça se propage !…cette chose….ce machin…
Je me demande si c’est logique, de jouer tous la même musique…de sentir tous la chair de poule quand une voix claire baise la foule…
De dire « je t’aime » dans toutes les langues, quand on ne sait plus à quoi ça ressemble…C’est quoi ce truc qui nous fait vibrer ? Qui fait perdre la vie pour la sauver ? Une réaction chimique ? un produit cosmique ? une fusion charnelle en trois dimensions ?
C’est quoi l’amour, dis ?

Des scènes à emporter le vent, à avoir peur du loup, à sombrer dans l’océan ? Des chansons où l’on ne se quitte pas, où l’on danse à St-Amand, ou un besoin…houhouhou… C’est quoi l’amour, dis ?
Un homme une femme à multiplier
Deux hommes deux femmes pour essayer…
Une mère un fils à cocoler… une fille un père à adorer…
C’est quoi l’amour, dis ?
Huit semaines et demie de passion, trois ans de reconnaissance, soixante ans d’ajustements… Aïe, c’est quoi l’amour ?
Le pire, c’est que ça dure depuis Adam et Eve, qu’on en fabrique même en surgelé dans des sitcoms pour oublier que c’est pas n’importe quoi l’amour !
Et s’il existait, le vrai, le pur, celui qui ne trahit jamais, qui survit à la rupture, qui fait revivre les morts et qui habite tous les vivants ?
S’il existe, je veux m’en inonder, que ça dégouline à l’intérieur jusqu’aux bouts de mes doigts de pieds…je veux m’en gargariser pour le glisser dans toutes les oreilles, je veux en souffler des bulles éternelles pour les faire miroiter à ceux qui…
Je parie qu’il te fait peur, mon amour carabiné…Mais avant que tu déguerpisses, que tu t’isoles dans tes hauteurs, arrête-toi juste un instant ! Tu sens, là tout au fond, ce battement régulier, c’est pas du chiqué, c’est la vie qui me l’a donné ! Laissons-le les contaminer tous, toi le premier !Tout peut arriver maintenant, rien n’a d’importance…En deux temps, que de mouvements, en deux mots c’est ça l’amour ? En silence donne la cadence…écoute ! (impro Bedjette puis Norn 17 lunal)

Tu vois, Heinz, après c’est l’histoire de la petite graine, l’étincelle, la chose qui germe, le retour à la terre ferme ! Ca bourgeonne, ça gazouille, la roue tourne encore ! Nous voilà à nouveau des disques embryonnaires , des petits riens, quoi, où tout est contenu…Quelle poussée hors du néant, quelle énergie pour tricoter x cellules qui vont à six milliards peupler cette boule de terre (Norn 20 a digite)

Alambic concentré pas censuré
Se zygote en nœud de pleurotte
Pour estomaquer les pas perdus
Au centre extrême se pêle-mêle
Et s’entre-choquent les gênes bricoleurs
Arrêt permis sur la folie du gredin
Si la vie ne lui fait pas envie
De vouloir désobéir se profile douce peine
C’est charrier le plaisir que de souffrir
Maudites pensées en tirebouchon du fol
Bouton d’humus renifle la chenille
Pas mure pour se brûler les ailes
Pousse glousse trafique et mastique
Braille dans la faille, perfore du dehors
Explose sans effort
Galipette néophyte commence le cycle
Dare-dare zigomar
Pour pouffer s’esclaffer
Du trop-plein de vie
Fagocité balbutié
A l’intérieur coffre-fort
C’est la mort du croque-mort Bas les masques
Langue brûlée pimentée
Soif de vérité
Au fond du baril poudre à remonter le temps
Qui n’existe plus
Perdue la face quand évidence mène la danse
A corps perdu
A fond les basques une bourrasque
Tu te lèves et tu vis
Ca suffit
Impro des Norn sur la non-compréhension de ce que B. vient de dire
Canon a digite
B : ben moi aussi je pourrais inventer une langue, ça éviterait les malentendus
Parce que si je dis :

Herbe fauchée retour à l’immobilité
Odeur enivrante d’un champ délivré
Trois en un pour doubler la mort
Souder la paire pour trouver le nord

On se creuse les méninges…Ca monte au ciboulo, ça devient cérébral : Est-ce que la conceptualisaton sublogique que vous vous faites de l’existence intrinsèque remettrait en cause la dimension mythique de l’objectalisation de votre sujet…
Epurons !
Dans le style haïku :

Pot qui dégouline
Mémoire d’un au- revoir
Secret caché dans le tiroir
La clé a tourné sept fois

Et encore, symbolique…

Fleur de sureau
Parfum de chez moi
J’irai palper ton ombre
Sous les cyprès

Plus profond encore :

Tout est dans le tout
Rien n’est à moi
Etre à en mourir
Nu sous l’embarras

Ah…ça te libère, Heinz, tu lévites…ma parole transcendante !
Dommage ! Tu aurais pu gagner une vie ! Parce que si tu continues, tu deviendras fourmi ! Remarque, la fourmi…elle a même inspiré Bouddha !

Heinz, tu sais devant quel maître je m’incline ?
Devant ce qui est ! La réalité !!!Oh, elle n’est pas toujours conciliante !
Elle m’en fait voir de toutes les couleurs ! J’en bave, j’en ris, j’en pleure, j’enrage ! Quels cadeaux ! bien ficelés et toujours en plein dans le mille !
Si je ne veux pas, c’est tant pis pour moi ! Alors on a fait un marché, elle et moi : moins je refuse, plus elle s’amuse et moi avec ! Tu piges ?
On est vivant, Heinz, incarnés, pas comme de vieux ongles mais comme des squelettes enrobés de chair avec à l’intérieur de quoi sentir, ressentir, déguster, savourer, s’en mettre plein les mirettes et les fossettes !La volupté, la jubilation ! Tous dans le même jus d’énergie, liés, bourrés de lumière, libres dans l’univers !
Bon, revenons à notre histoire, j’ai la mémoire qui foire ! Tout tourne en rond ou en spirale ?
A tour de bras tu redescends, Heinz, et moi qui n’ai pas de chute !
Pas de fin à mon histoire ou alors…
Mais dans toute histoire à tiroirs
On se perd pour ne pas y croire
Heinz, tu n’as rien compris ? C’est pas grave !

Mais ça vaut le coup

On remet ça quand tu veux Rien que pour ce goût de reviens-y
Ce consommé de natures mortes Ca jute de partout
Ca palpite, on s’en délecte
On s’en ravigote de cette sacrée vie
Les Norn sont des fêlées
Accrochons-les pour continuer
Elles ont tissé leurs mélodies
Pour révéler toutes nos folies !(Norn 21 hyimmatheul)

FIN