Saga. Le Corbusier, Nicolas Verdan

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Résumé

 

 

Le 27 août 1965, Roquebrune-Cap-Martin, il est neuf heures du matin. Charles Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier, entre dans la mer. À 10 heures, son corps sans vie sera retrouvé flottant près du rivage.

 

 

Lors de ce dernier bain, précédant sa mort, le grand architecte, alors âgé de soixante-dix-huit ans, voit sa vie dé?ler devant ses yeux. Dans une apparente confusion, produite par la mémoire de ses émotions, il retrouve les êtres qui ont marqué son existence. Surgissent, en particulier sa mère et toutes ces femmes qui ont profondément marqué son œuvre picturale, littéraire et architecturale. Sans regret, sans la moindre culpabilité il traverse une ultime fois, comme dans un songe, cette planète qu’il a parcourue en long et en large, sur terre comme dans les airs. À la Chaux-de-Fonds, qui l’a vu naître, à Paris où il vit, à Ronchamp, dans sa chapelle où s’exprime son refus de Dieu et sa foi en la matière, en passant par le Vichy du maréchal Pétain et le village de Corseaux, où vécut longtemps sa «chère petite maman», Le Corbusier se souvient, en toute bonne conscience, sans même l’idée d’une remise en question. Avec insistance, quatre villes, Alger, Rio, New York et Chandigarh traversent en images le ?lm accéléré de son puissant désir créateur.

Sentant ses forces l’abandonner, il laisse venir en lui cette eau qui, dit-il, ?nit par avoir raison de tout.

Fruit d’une longue enquête sur la vie et l’œuvre de Le Corbusier, ce livre rassemble une série d’évènements qui se sont réellement produits. Leur interprétation relève de l’inspiration libre du romancier qui s’approprie ainsi l’une des plus étonnantes sagas du XXe siècle.

 

 

 

Extrait
 

 

ELLE vous prie du regard. Aussi continuezvous à peindre.
Vous la voyez tourner la tête. Vous l’observez, elle s’avance à pas lents, sur votre droite. Sur son visage, vous lisez la surprise. Elle s’étonne face à cette paroi de moellons et de briques, au fond de votre atelier, comme un haut mur de ferme, en pleine ville.


Vous avez fait bâtir cette pièce au septième étage de votre immeuble. Les fenêtres, horizontales, donnent sur les toits de la tribune du stade Jean- Bouin.


Vous voudriez poser votre pinceau sur le coffret où vous rangez vos gouaches et vos pointes d’argent. Vous voudriez vous arrêter, le temps de comprendre comment tout cela a pu se mettre en place.


Elle, ici, une présence inattendue, nouvelle, une source d’énergie renVous allez vous interrompre, quand sa main se pose sur votre épaule. Vous ne la voyez pas. Cette pression, d’un appui léger mais habité, n’est-ce pas l’insistance d’une main?
Un seul geste, si familier.


Une commande ne souffrant aucune excuse. Vous devez continuer à peindre. Elle désire vous observer à l’ouvrage.
C’est une étude, vous précisez.


Pour une sculpture. Vous lui expliquez.


Elle se tient droite, à vos côtés, elle ne se départit pas d’un sourire que vous diriez de façade.



La guerre vient tout juste de gagner la France. L’Europe est parcourue de violents soubresauts. Sur les routes, des colonnes de soldats portant des guêtres croisent le cortège des premiers réfugiés découvrant la géographie des accotements.


Vous, vous fouillez la fosse d’un sentier forestier.


Vous ramassez des bouts de bois, des feuilles, des racines. Vous récoltez des fragments d’os, des silex quand il y en a.

 

Paru aux Editions Bernard Campiche