A partir de cette confession et de ce pardon, apparaît un nouvel Antoine qui va se joindre aux discussions que ses frères et sœurs ont coutume de tenir chez l’aînée des sœurs, Julia. Ainsi commence l’aventure spirituelle de la famille Morand, dont le narrateur, un psychiatre, ami d’Antoine, relate l’essentiel des dialogues qui démystifient l’Autorité, la Loi et la Vérité, qui contestent toute prétention d’une religion à être le passage obligé de notre salut. Ce sont ces dialogues qui donnent le fil de l’aventure spirituelle de la famille Morand et qui font de ce livre un essai.

Dès lors, une religion ne peut servir l’Amour que si, par ses récits et ses rites liturgiques, elle en est une symbolique vivante, qui l’évoque et l’invoque comme grâce rédemptrice de nos existences, ici et maintenant.
 

Extrait

Cependant qu’un bisse déversait ses eaux boueuses dans les sous-sols de l’Etablissement médico-social, la mère avait réuni ses enfants autour de son lit. Elle ne voulait pas quitter ce monde sans s’être délivrée des non-dits familiaux qui l’avaient oppressée pendant si longtemps. A part elle et celui qui en avait été l’objet, nul ne savait, tant elle avait été camouflée, la haine que le père avait vouée à son cadet. La mère était seule à connaître le motif de ce terrible sentiment. Elle n’en avait jamais soufflé mot à Antoine qui, lui, n’avait jamais eu le moyen d’aborder son père sur ce point aussi crucial que douloureux. Son père avait si habilement feint sa bienveillance, qu’il eût été peine perdue de vouloir contester son attitude. La tentative eût paru sans fondement et fait passer Antoine pour un fils ingrat. (p. 17)