La Fable du deuxième sexe, Maria Zaki

|||

Extrait

(pages 14-15), roman préfacé par Jacques Herman et publié chez Le Scribe - L’Harmattan

Le lendemain, Adam se réveilla avec l’impression de revenir d’un long voyage nocturne. Il jeta un coup d’œil à son réveil : Cinq heures quarante-huit. Il n’y comprenait rien car d’ordinaire il n’avait pas le sommeil léger, ni le réveil facile, et surtout pas un dimanche matin. Sur le moment, il se recouvrit la tête avec la couverture et essaya de se rendormir, mais il n’y parvint pas. Son esprit errait dans le silence de la chambre lorsqu’il se rappela avoir lu dans le journal que l'équinoxe du printemps tombait ce jour-là; le vingt mars justement. Las de prier un sommeil qui ne daignait pas revenir, Adam étendit le bras pour allumer sa lampe de chevet, mais dès qu’il éclaira la chambre, il eut un grand coup au cœur ; il ne reconnut pas sa main. C’était une main étrangère avec des doigts très fins et des ongles bien soignés, une main féminine.

 

 

Le jeune homme frissonna de stupeur et bondit du lit dans un saut incontrôlé. Il remarqua très vite que le reste de son corps était également celui d’une femme. Une parfaite inconnue était dans son pyjama à lui ! Il paniqua complètement. Il se dit qu’il était en train de faire un cauchemar ou peut-être délirait-il à cause d’un phénomène qu’il ne tarderait pas à s’expliquer. Il se pinça le visage une fois, puis deux et trois, ensuite il se tata toutes les parties du corps d’une main tremblante. Il finit par constater qu’il ne rêvait pas, hélas ! Affolé, il courut vers la salle de bain pour se regarder dans un miroir.



Il eut en face de lui le visage de sa petite sœur avec quelques années de plus. Deux grands yeux noisette aux cils resserrés, le regardaient avec étonnement. Pendant deux secondes cet air de famille le calma un peu, puis il s’en effaroucha à nouveau dès qu’il suivit du regard la finesse de son cou et la courbure de sa poitrine. En regardant le plafond comme il aurait regardé le ciel, il lança un cri de désarroi : « Que m’arrive-t-il mon Dieu ? » Il ne reconnut pas sa voix non plus. Par la force des choses, son grain de voix s’était aussi efféminé. Complètement effaré, il contemplait alternativement ce qu’était devenu son reflet dans le miroir et le reste de son nouveau corps, de même que le fer regarderait le marteau et l’enclume. Une idée imparable lui vint alors à l’esprit ; il tourna la clef dans la serrure et se dévêtit devant le miroir. Le souffle coupé, il tomba de sa hauteur et s’évanouit.

Maria Zaki