L'histoire des Fribourgeois et de la Suisse, Alain-Jacques Tornare

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Les étrangers célèbres de passage de Fribourg

 

 

(Extrait du chapitre 5, p. 98-99 )

Cette paralysie ambiante n’échappe pas aux voyageurs de passage. Généralement, si les visiteurs étrangers admirent les beautés du pays de Fribourg, ils se montrent critiques envers ses habitants, les dirigeants en particulier. L’Allemand Georges Bernard Depping publie en 1822 à Paris La Suisse ou esquisse d’un tableau historique, pittoresque et moral des cantons helvétique, où l’on peut lire: «C’est assez dire qu’il règne à Fribourg plus de morgue et de dévotion que d’industrie. Des plaisants ont prétendu que c’était par antipathie pour les Lumières que les magistrats éclairaient si mal le siège du gouvernement (…). On s’occupe à Fribourg et dans les campagnes du canton à tresser des chapeaux de paille. Les tanneries pourraient être florissantes, à cause de la quantité de bétail que l’on entretient, mais le gouvernement ne sait pas les encourager: aussi les peaux s’exportent-elles pour la plupart, afin d’être tannées à l’étranger» 62.

 

 

D’instinct, les Fribourgeois sont conservateurs au sens étymologique du terme. En 1832, Alexandre Dumas, dans ses Impressions de voyage en Suisse (qui paraîtront de 1833 à 1835) explique crûment que «Fribourg est la cité catholique par excellence, croyante et haineuse comme au XVIe siècle. Cela donne à ses habitants une couleur de Moyen-Age pleine de caractère. Pour eux, point de différence intelligente entre la papauté de Grégoire VII ou celle de Boniface VIII, point de distinction entre l’église démocratique ou l’église aristocratique: le cas échéant, ils décrocheraient demain l’arquebuse de Charles IX ou rallumeraient le bûcher de Jean Huss». En 1833, Alexandre Dumas est surpris par le degré de catholicisme atteint par les Fribourgeois: «Il est certain que le clergé exerce une influence notoire sur les moeurs et les coutumes des Fribourgeois, et que son action s’étend même sur le gouvernement. La jeunesse folâtre n’ose se livrer à ses jeux, ni l’âge mûr à des études sérieuses: tout est soumis à une règle sévère, car si l’on y interdit l’enjouement, l’on n’y exclut pas moins la liberté de penser. Des actes du gouvernement, récemment promulgués, défendent la danse les dimanches et fêtes, les jours de jeûne et ceux que l’Eglise reconnaît comme fériés, à la seule exception de la fête communale et d’une noce; encore les bals doiventils finir à huit heures dans les lieux publics, et à dix heures dans les maisons particulières, sous peine de 50 francs d’amende, puis de 100 francs en cas de récidive. Les orgues de barbarie, les violons, les vielles, etc., ne peuvent se faire entendre dans les lieux publics ni dans les auberges, et l’on punit de la prison celui qui contrevient à cette défense».





Extrait du chapitre 7, p. 144 : Le passage à Fribourg (1900-1944) d’Antoine de Saint-Exupéry

Le futur écrivain-aviateur français, passa deux années de sa scolarité, de 1915 à 1917, dans l’établissement des Pères marianistes français de la Villa Saint-Jean à Fribourg. Pour Antoine de Saint-Exupéry, Fribourg représente l’ultime moment de son enfance préservée. Adulte, il fit partager à ses amis les délices de ses souvenirs de Fribourg en Nuithonie, sous la forme de versions savoureuses, avec l’accent fribourgeois, de Victor Hugo ou de Stéphane Mallarmé. Avec son parc et ses grands arbres, Fribourg et sa «villa blanche entre les pins» qu’évoque «Saint-Ex.» au début de Courrier Sud (1929), donne à l’adolescent l’occasion de ne point se faire happer par l’atmosphère de la Grande Guerre et de prolonger pour quelques mois encore les délicats et précieux moments de la jeunesse111. Au tout début de Pilote de guerre, publié en 1942, Saint-Exupéry commence le récit de ses combats par l’évocation de son passage à Fribourg, un quart de siècle plus tôt. Le passage de l’auteur du Petit Prince dans la cité des Zaehringen, loin d’être une péripétie, marque une étape fondamentale de sa vie.

Bordant notamment le Collège Sainte-Croix et la Villa Gallia, seul bâtiment subsistant de l’ancienne Villa Saint-Jean, la «Rue Antoine-de-Saint- Exupéry (1900-1944) Ecrivain-Aviateur», relie le chemin des Fougères et la rue Petermann-Aymon-de-Faucigny à celle du Botzet, dans le quartier de Pérolles. Elle a été inaugurée le 15 octobre 1996.



L’histoire des Fribourgeois et de la Suisse, Alain-Jacques Tornare, Editions Cabédita, 2012