Rosette,  pour l'exemple

Claude Torracinta , Biographie historique - Edition Slatkine, Genève 2016

Ce livre n’est pas un roman, ce n’est pas une histoire de vie, c’est juste un morceau d’existence raconté par un homme sensible à l’injustice.

Cet homme, c’est Claude Torracinta. Emu par le destin tragique de Rosette, adolescente juive refoulée à la frontière suisse en 1943, il met bout à bout les derniers moments de sa course pour la survie. Hélas, fauchée en pleine jeunesse par la folie des hommes, elle ne reviendra pas d’Auschwitz, comme beaucoup de ses contemporains. Un récit poignant, pour peu que l’on se souvienne que ces déportés, Rosette et tous les autres, furent plus que des noms sur le mur d’un mémorial.
L’auteur nous communique ses recherches pour saisir la cruelle vérité. Il nous confie ses émotions devant le sort de Rosette, nous livre ses questionnements sur les ressentis de la jeune fille, nous fait part de ses incompréhensions face à certains refoulements « disciplinaires ».

Au travers de ses mots, il exprime son indignation, sa colère, sa honte devant l’impardonnable, il entraîne le lecteur dans des sentiments qui poussent à la réflexion. Peut-on imaginer, derrière la photo noir-blanc (en couverture) du visage serein de Rosette, la peur, l’angoisse, la détresse, les heures terribles vécues par cette jeune fille, jusqu’à sa froide exécution ? Il aurait fallu un seul homme pour accueillir Rosette à la vie. Il a fallu ce même homme pour l’envoyer à la mort.
Cependant, le choix de refouler ou non ces hommes, ces femmes, ces enfants, ne tient parfois qu’à certains détails insignifiants, à quelques facteurs aléatoires qui, en l’espace d’un instant, les condamnent ou les sauvent. Tous n’ont ainsi pas la malchance de Rosette. En effet, grâce à des gestes d’humanité de la part de certains, ce récit sombre de notre histoire est traversé de quelques éclairs lumineux.
Marylène Rittiner

Extraits pages 47-48

 
A la frontière, la marge de manœuvre des exécutants est grande. Résultat, on refoule des gens qui, selon les critères fixés par les autorités fédérales, devraient être admis, alors que d’autres, qui devraient être refoulés selon les mêmes critères, sont accueillis grâce à l’humanité d’un garde-frontière ou d’un officier. Etre accepté ou refoulé est parfois une simple question de chance ou de malchance. Le destin d’hommes, de femmes et d’enfants qui fuient les menaces de déportation dépend de l’attitude de ceux qui les interrogent, de leur interprétation des règlements, de leur humanité.

« Les chances d’être accueilli varient non pas tellement en fonction des particularités du réfugié, mais plutôt par rapport à des facteurs aussi aléatoires que l’heure d’arrestation ou la quantité de réfugiés déjà arrivés ce jour-là […] Un réfugié peut très bien être refoulé alors qu’un second, au profil identique, est accueilli. » Ce qui frappe aussi à la lecture des dossiers conservés aux archives genevoises, c’est le caractère tatillon des règlements et des questionnaires que doivent remplir les réfugiés. C’est la méfiance des autorités civiles et militaires, la froideur administrative des réponses, l’arrogance de certains officiers que rien, il faut bien le dire, n’avaient préparés à cette tâche.


 

Page 49

Le 31 mai 1943, la famille Friedhoff franchit la frontière. Elle figure sur une liste de personnes non-refoulables en vertu d’un accord conclu entre les autorités fédérales et les associations protestantes. Elle doit être accueillie. Il n’en sera rien. Sous prétexte d’une erreur dans l’orthographe de son nom, la famille est refoulée. « Retournez d’où vous venez pour faire corriger vos papiers», dit-il à des gens qui viennent de traverser la France sous la menace d’une arrestation !


 

L'auteur

Claude Torracinta est journaliste. Il a travaillé pour la Tribune de Genève en tant que journaliste, puis responsable de rubrique et enfin comme chef des informations générales. Il a collaboré la Télévision Suisse romande où il a créé et animé le magazine d'information, Temps présent. Il a produit de nombreuses émissions, ainsi qu'une série historique. Il a aussi collaboré à la Radio Suisse romande. Rosette, pour l'exemple est une biographie historique, fruit d'une enquête menée en Suisse, France et Allemagne.