Mort sur la Jogne, Antoinette Bourquenoud

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Mort sur la Jogne

Editions Montsalvens, 2017

 

 

 

Le 16 avril 1762, un homme est retrouvé noyé, sur les rives de la Jogne, en pays de Fribourg. Quelques heures après, son épouse met au monde un garçon mort-né.

 

Le 8 juin 1782, à Paris, Thomasine de Wépion, envoie son petit-fils Célestin, en Suisse, afin de le protéger d’un danger imminent. Joseph, son homme à tout faire, l’accompagne pour veiller sur lui. Le jeune Célestin, passionné de dessin et fort habile dans cet art, rejoindra, contre son gré, l’abbé Currat. Il l’aidera à illustrer par ses œuvres, son ouvrage sur les oiseaux de la région.  Mais une atmosphère de secret pousse le jeune homme à se poser des questions sur la vraie raison de ce voyage, sur ses parents, sur les gens qui l’accueillent à Charmey. Luce, jeune fille vive, intelligente et déterminée, l’aidera à élucider les mystères qui planent dans cette vallée helvétique. Ce qui n’est pas pour lui déplaire… 

 

« Mort sur la Jogne » ou la passion de l’écriture et l’amour du travail bien fait, pour le plus grand plaisir du lecteur. Oui, Antoinette Bourquenoud nous offre un excellent polar historique qui se passe au XVIIIème siècle, dans un village gruérien.

Dès les premières lignes du prologue, nous sommes plongés dans une ambiance de suspicion. Et au chapitre 1 déjà, l’auteure nous emmène, vingt ans plus tard, dans des questionnements sur le rapport entre le passé et le présent. Ça sent l’intrigue à plein nez et nous sommes rapidement pris par le récit.

L’écriture est belle, fluide, les dialogues sont passionnants, les personnages attachants, bien décrits. Le style est élégant, quelque peu soutenu, mais pas trop, le langage, châtié, juste ce qu’il faut. Les citadins et les bourgeois ont leur parler, les paysans moins éduqués, le leur, comme il se doit.

 

Le roman d’Antoinette Bourquenoud se distingue également par deux particularités intéressantes. D’abord, à chaque nouvelle partie de l’histoire, une page nous présente les acteurs qui se glisseront au fil du récit. Ensuite, plus d’une quinzaine de dessins évocateurs  nous aident à visualiser certains épisodes, paysages ou personnages, enrichissant ainsi la lecture. La qualité de ces illustrations ajoute une touche délicate à l’ensemble de l’œuvre.

Recension: Marylène Rittiner

 

 

Extrait (pages 19-21)

 

 

- Vous terminerez tout à l’heure. Suzanne, va donc quérir Célestin : je dois lui parler au plus vite.

 

Délaissant leur tâche, elles passèrent rapidement devant Joseph qui lança, goguenard :

- Si Monsieur n’est pas dans sa chambre, il est dans sans doute dans la petite cour : c’est l’heure de sa toilette.

 

Suzanne haussa les épaules d’un air contrarié et sortit de la pièce en bougonnant. Devant la mine interrogative de Mme de Wépion, il crut nécessaire d’ajouter :

- Les nouvelles habitudes de Célestin déplaisent quelque peu à notre vieille amie.

- A moi aussi Joseph, à moi aussi. Mais il paraît que cela s’appelle le progrès.

 

Elle s’installa dans l’autre fauteuil et, le fixant avec gravité, lui dit :

- Maintenant que nous sommes seuls, venons-en aux choses importantes. Je t’avais promis une bonne nouvelle. Tu vas retourner chez toi Joseph, dans le  val de Charmey.

 

L’idée de retrouver les montagnes qui l’avaient vu naître ne sembla pas enthousiasmer le valet. Elle crut deviner la raison de cette contrariété :

- Je sais que c’est un lieu chargé de mauvais souvenirs. Nous connaissons tous deux les circonstances  tragiques qui t’ont amené au service de ma fille.

 

L’évocation des événements survenus vingt ans plus tôt contracta les traits de Joseph. Il n’avait jamais abordé le sujet avec sa patronne et ne tenait pas à le faire. Il fut soulagé de l’entendre poursuivre :

- Le danger que court Célestin à Paris me pousse à changer mes plans. J’envisageais les choses d’une façon différente….

 

Elle détourna la tête vers la fenêtre et demeura coite durant un instant. Elle semblait perdue dans une réflexion dont Joseph soupçonnait l’objet. Lorsqu’elle revint vers lui, elle avait repris une expression assurée :

- Tu as toujours porté une immense estime à ma chère Hélène, et le mot est faible, je crois.

 

L’imperceptible rougeur qui monta aux joues de son interlocuteur lui prouva qu’elle avait deviné juste. Sans lui laisser le temps de répliquer, elle continua :

- C’est à ce sentiment que je fais appel pour le rôle que je souhaite te confier. Tu accompagneras son fils en Suisse et tu veilleras sur lui. Il est attendu chez le curé de Féguières, un homme d’Eglise doublé d’un naturaliste hors pair. Officiellement, il l’aidera dans ses travaux d’ornithologie.

- Quand partons-nous ? demanda-t-il sobrement.

 

Elle lui fut reconnaissante de ne pas quêter des détails qu’elle ne souhaitait pas lui fournir.

 

L'auteure
Enfant, elle se passionne pour la lecture et l’écriture. C’est pourtant vers une formation commerciale que s’oriente Antoinette Bourquenoud. En 2015, elle  suit un atelier d’écriture sur le Net. Cette expérience lui apporte les bases et la confiance nécessaires pour enfin réaliser un vieux rêve : débuter son premier roman, "Mort sur la Jogne".