Moisson, Alexandre Lecoultre

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La fille qui posait des lapins
Davide Giglioli, Ed. Torticolis et Frères, 2014


Jean-Jacques, Vincent, Patrick, Grégoire, Charles, Louis et…Delphine. Tant d’amoureux transis, tant de rendez-vous. Marinette ne les assume pas, mais pas d’inquiétude, son père, le sauveur de « La fille qui posait des lapins » est là, fidèle au poste. Il écoute, s’inquiète, compatit, aide, encourage, console. Faut-il être fou pour accepter un tel jeu ? Et pourtant… Chaque occasion lui en apprend un peu plus sur lui, sur son amour pour son épouse, pour ses enfants, sur les êtres, sur le sens profond de la vie. Chaque rencontre le renvoie dans le passé, le projette dans l’avenir de sa fille, le ramène à son propre parcours. Alors, pourquoi pas ?

Voilà une suite d’épisodes fort sympathiques, écrits dans un style délicieux. De la tendresse, de l’émotion, du bonheur, de la drôlerie, tout y est. Un petit livre, dans notre monde parfois trop gris, à consommer sans modération…

Et pour qui parle italien, il suffit de renverser ce petit joyau, et le tour est joué ! Magique, non ? - Chroniqueuse: Marylène Rittiner



Extrait P. 17-18
 

Tout a commencé il y a trois ans par un piège familial.
Visages pâles dans la maison, lumière sombre qui fait prévoir l'orage, mon fils Loïc qui s'échappe dès qu'il le peut, les pleurs qui viennent de la chambre de Marinette et la chose la plus insupportable, le silence de ma femme Monique.

Pas le silence paisible d'un dimanche après-midi, quand la frénésie de la fin de semaine est passée et que le lundi est encore en attente derrière les prochaines pages de votre livre.
Plutôt un silence tendu, chargé de nuages, accompagné par des mouvements tranchants et par la solitude, une incommunicabilité têtue.

"Ça suffit maintenant.

Il se passe quoi, Monique!
"Heureusement que tu remarques qu'il y a quelque chose qui ne va pas."
Ça ne promet rien de bon: je suis déjà en défaut même avant de connaître le problème. De là à en être la cause, il n'y a qu'un pas. Dans ces cas-là, il vaut mieux tout avouer, même ce qui n'existe pas.
"Je suis désolé, ma Monique.
Elle a quoi, Marinette? Pourquoi elle pleure?"
"Viens, Georges, assieds-toi."
Zut, je pense, que l'on dit: "C'est grave?"
"Pas du tout. Il y a qu'elle se trouve dans une situation embêtante."
"Quelle bêtise a-t-elle faite?"
"Pas de bêtise, mon Georges. Simplement, elle ne sait pas comment dire quelque chose à quelqu'un."
"Il s'agit de quoi, Monique? S'il te plaît: droit au but."
"Elle a largué son petit ami..."

Devant mes yeux je regarde sans voir le petit ami.
Ma fille? Ma Marinette? Ma petite Marinette?
Mais je viens de lui changer sa couche il y a dix-sept ans.

"...et?"
"... et il ne le sait pas encore."
...
"Ah non, pas ça!
Monique, tu ne peux pas me demander ça!
Elle ne peut pas me....
Et un petit ami, après.
Et moi?
Et moi, pourquoi je ne suis pas au courant?"
"Georges, réfléchis."

Pause soigneusement étudiée.

"Si elle l'a largué, il n'y a plus de petit ami."
"Oui, mais maintenant... non, avant...
Mais non, il ne le sait pas.
Ce n'est pas la même chose."
"Georges, tu sais? Il y a des moments où il faut être père."
Chapeau! Chapeau, ma Monique.
"Je dois faire quoi?"


L'auteur: né en Italie, Davide a voyagé à travers l’Europe pour son travail avant de se poser en Romandie. Fasciné par les expressions françaises, il profite de ses pauses repas et du calme des bibliothèque pour écrire. La Fille qui posait des lapins est son premier roman. (Editions Torticolis et Frères 2014).