Lily Brand, Simone Graber, textes inédits

|||

Se présentent

 

 

"« Nous somme jumelles, à la retraite depuis une quinzaine d’années. Nées à Saint-Imier, nous y sommes restées. Nous fréquentons l’atelier d’écriture de Martine Benoit. Grâce à elle, nous avons appris à jouer avec les mots et les idées, ce qui parfois donne naissance à un texte ou un poème plaisant à lire. »"
 

 

 

 

Viva el camino de Compostelle ! (Lily Brand, 16.11.07)

 

 

Malgré une tendinite étrennée lors de la montée d’un col des Pyrénées, malgré une bronchite magistrale due au vent, à la pluie et aux Marlborough fumées dans l’énervement du départ, malgré un orteil infecté qui lui a valu une nuit dans un dispensaire et deux jours de repos dans un couvent, elle s’est tapé Saint-Jacques quatre fois en cinq ans.

Sac au dos, les yeux baissés sur la poussière ou la boue du chemin, attentive à repérer les signes qui balise la piste, elle aligne les kilomètres de 9 heures du matin, heure où les gardiens mettent les gens dehors afin de nettoyer et re-préparer le gîte pour la fournée du soir, jusqu’à 17 heures où le sésame d’un autre gîte s’ouvre à nouveau devant une nuée de pèlerins impatients et fatigués.

Elle n’avance pas très vite. Sa chevelure de neige atteste avec force qu’elle n’est plus une ado, même attardée. Itinéraire du jour et carnet de pèlerin à portée de main, elle met un pied devant l’autre, faisant sien l’adage « Chi va piano, va sano e lontano … ».

Une rondelle de saucisse, un morceau de pain, quelques noix, un peu d’eau …. Continuer, garder le rythme, ne pas rompre cette sensation euphorique provoquée par une marche régulière et soutenue. Et alors qu’on n’y croit plus … le gîte ! Vite déposer son sac sur la couchette, se déchausser sans arracher les pansements de la veille, une douche, une petite lessive si possible, le sommeil réparateur.

Un mois, deux mois, le temps ne compte plus, seule importe la distance qui la sépare du but. Les derniers kilomètres se font à pied si tout va bien, en train ou en bus. Le sac à dos s’est allégé : un T-shirt, un slip, quelques chaussettes, un galurin incolore et informe, une paire de godasses à l’aspect et à l’odeur indéfinissables, un jeans roulé en boule.

Et quand soudain apparaît le clocher de Compostelle, elle peut enfin lever les yeux et s’écrier, libérée : « Saint-Jacques me revoilà, les pieds en compote, mais la tête dans les étoiles ! »
 

 

 

 

 

Le temps (Lily Brand, 08.11.2011)

 

 

Comme la rose au vent s’effeuille
ma vie au temps s’est étiolée
et ce qui semblait important
lentement s’est effiloché.

Alors sans regret, sans orgueil
j’ai tout trié, pesé, compté,
les pour, les contre, les à peu près,
les p’tits bonheurs, les coups au cœur,
les faux-semblants, les faux-fuyants,
le superflu et les faux culs.

Une poignée de pétales froissés
c’est tout ce qui m’est resté.
Mais j’en ai bien assez
pour vivre ma vie en paix.

 

 

 

 

Abandon (Simone Graber 29.11.2011)

 

 

Merde, elle est partie, elle me laisse, elle s’en fout !
Durant 25 ans, on ne s’était jamais quittées, ou si peu : un séjour en Angleterre de quelques mois pour apprendre la langue parce qu’ensemble on n’aurait parlé que le français.

Bien sûr elle a trouvé un mec, même pas beau. Ils se sont mariés. Elle est partie attifée de sa robe blanche, emportant avec elle joie, harmonie, complicité. Je reste là, une moitié, une demie, un bout de quelque chose. Le soleil ne brille plus, les pommiers n’ont plus de fleurs.

Mais tu sais quoi ? Elle reviendra, plus tard, beaucoup plus tard ! Les maris ne sont pas éternels !

 

 

 

 

Le vieux (Simone Graber 08.11.2009)

 

 

Il ne sait plus, il ne voit plus, il n’entend plus. Mais dans « plus » il y a le souvenir d’avoir pu. Qui a pu, pourra. Qui va piano, va sans canne. Qui ne court pas, marche à l’ombre.

Il se prend la tête et la pose sur ses genoux, à côté de ses mains. Elle n’est pas lourde. Dame, tant d’idées se sont échappées, tant de rêves. Il ne reste plus … mais que reste-il ?

Il tâte la tête. Elle n’est pas ronde, elle n’est pas carrée non plus. Il la secoue, la hoche de haut en bas, de droite à gauche. Oui, non, oui, non. Il met la tête sous son bras. Dangereux la tête sous le bras ! Il la tourne à l’envers, c’est pire !

Il lui parle. Elle fait la sourde oreille. « Tête à claques ! » Crie-t-il. Puis il se souvient de sa propre surdité. Pauvre tête. Il la caresse du bout des doigts … les yeux, le nez, la bouche. Il sent un sourire, un grand sourire, un sourire éclatant, un sourire de tête de nègre.

Alors fou de joie, il lance la tête en l’air en chantant : « Tête-bêche, tête à tête, tête de moine, tête dans l’cul ! » Et après un magnifique tête-à-queue … elle reprend sa place initiale.

C’est bien connu, il faut toujours garder la tête sur les épaules !

 

 

 

 

 

Les meufs (Simone Graber 17.11.2009)

 

 

Elles portent des décolletés plongeurs
D’leur string on connaît la couleur
Y a plus d’secret, y a plus d’pudeur
Les meufs

Kôhl à outrance sur la paupière
Tatoo partout même au derrière
Y a plus de limite, y a plus d’barrière
Les meufs

Elles sont accro à leur portable
Papier, crayon c’est pas rentable
Une seule idée, faut être sortable
Les meufs

Allô, fait chier, t’es avec qui ?
Ça m’saoule, ça m’gonfle, c’est qui c’ui-ci ?
C’est qui, qui t’a dit c’que j’ai dit ?
Les meufs

Même topo en informatique
Face-book, Webcam, ça se complique
Elles nous prennent toutes pour des vieilles biques
Les meufs

Mais quand elles auront des enfants
Se souviendront du bon vieux temps
Des principes de grand-maman
Les meufs