Claude Luezior, Confession… d’un confessionnal

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Romancier, nouvelliste, poète, Claude Luezior est à la fois homme de plume, neurologue et professeur de médecine à l'Université. Son style concis, en constante recherche esthétique, cisèle un nouvel humanisme. Révolte et compassion sont les trames de sa prose. Il nous présente aujourd'hui un petit texte inédit à propos d’un confessionnal. Ce texte fait partie d’un manuscrit en cours d’écriture dont le thème est la cathédrale de Fribourg.

 

 

 

 

Confession… d’un confessionnal

 

 

Être confessionnal, à l’heure actuelle, n’est pas une sinécure… Et je dois bien l’avouer : je suis presque au chômage. Moins de crimes, d’adultères, de trahisons ? Non, mais ils n’ont plus rien à se reprocher. C’est la faute de l’autre, des étrangers, des impôts, des droits acquis, des patrons, des employés. La société, blanche comme neige, n’avoue plus qu’un crime : celui de ne pas aimer les confessionnaux.

Fini le temps béni des courtisanes avec leurs élégantes boîtes à péchés, des politiciens véreux soudainement pris de remords, des jeunes filles décrivant leur première fois, des belles-mères dégoulinantes de fiel, des beaux capitaines aux bataillons d’enfants naturels, des maquignons, des amants.

Me restent l’aumône de deux-trois grenouilles crapahutant hors d’un bénitier presqu’à sec, un demi-pater pour l’escroc sans envergure, un smic des larcins véniels, la génuflexion d’un Alzheimer qui n’a plus que ses cent ans à déclarer. Pas de quoi fouetter un démon!

Non, ce n’est pas drôle. Et pas juste, car le Très-Haut m’interdit toute publicité. Concurrence déloyale : ces Messieurs Javel, Karcher et Savon de Marseille en font pourtant par pages pleines. Parfois, j’écarte le rideau d’un coup sec pour guigner de-ci, de-là. Tous ont le ventre bedonnant, la calvitie proprette. Ils traînent leur insouciance, le nez dans les vitraux comme dans un musée, un restant de sandwich au coin des babines. Cartes de crédit vides mais poches pleines : pas un sou pour les bougies de la Vierge ni pour le tronc de saint Antoine, pas un péché pour moi. Rien !

Bien sûr, j’ai réclamé en Haut-Lieu. Question pénitence des mécréants, Lucifer m’a signifié qu’une bonne épidémie n’était plus à la mode, qu’une guerre de cent ans était trop compliquée à organiser, qu’un tsunami en ces lieux serait invraisemblable. Et que, de toute manière, il était à la retraite et sa partie de cartes avec l’archange Michel, pas terminée.

Alors, que faire ? Fabriquer un cercueil pour mes illusions d’un paradis sans taches ? Tailler une nouvelle barque pour Charon, lui qui en a si besoin ? Démonter ma boîte à soucis pour allumer un feu de joie ? Solder le tout, bénédiction comprise, en un seul lot, sur Internet ? Dites-le moi, vous qui êtes immaculé. Vite, venez me le confesser !

Claude Luezior/03.02.2013