Sophie Colliex

|||

Auteure franco-suisse, je suis née en France. Enfant, je dévore des tas de livres et j’écris des histoires. Après des études littéraires, je débute ma vie professionnelle à Paris, dans le milieu de la banque.

Devenue maman, je marque une longue pause pour me consacrer à mes trois enfants. A mon arrivée en Suisse, j’intègre le système de formation genevois et je m’engage dans l’enseignement aux adultes. Aujourd’hui, je suis professeur de français langue étrangère et d’alphabétisation pour un public de personnes non francophones à l’Université Ouvrière de Genève. J’ai toujours aimé raconter. Les destins humains me fascinent et j’adore recueillir patiemment les petites histoires qui, mises bout à bout, feront si bien revivre la Grande. L’enfant de Mers el-Kébir est mon premier roman.

 

 

 

L’enfant de Mers el-Kébir, roman

 

Editions Encre Fraîche 2015

 

 

Le nom de Mers el-Kébir est gravé dans la mémoire collective. Même lorsque l’on ne connaît pas ce village à l’ouest d’Oran, en Algérie, on a déjà entendu ce nom-là quelque part, on ne se rappelle pas bien où. Les événements qui s’y sont déroulés tombent peu à peu dans l’oubli. Pourtant, des pages importantes de la grande Histoire y ont été écrites.

Mers el-Kébir doit son passé singulier aux qualités exceptionnelles de son mouillage, l’un des meilleurs d’Afrique du Nord. C’est une belle baie en eaux profondes, bien abritée des vents et des courants. Le promontoire naturel du djebel Santon la protège des redoutables lames de nord-ouest ; les murailles infranchissables du djebel Murdjadjo l’isolent des vents du désert et découragent les agressions terrestres. La baie est connue et fréquentée depuis l’Antiquité par tous les navigateurs de Méditerranée et son sort est lié depuis la nuit des temps à toutes les tentatives d’occupation du littoral nord-africain. Phéniciens, Berbères, Espagnols, Portugais, Turcs et Français y ont successivement débarqué. En 1852, un ingénieur hydrographe français, Monsieur Lieussou, évoquait «la meilleure rade militaire de l’Algérie ». Mers el-Kébir se trouve idéalement placée à l’extrême ouest du bassin méditerranéen dont elle contrôle l’accès, sur la route maritime Atlantique-Suez, face à l’Espagne et aux Anglais, perchés sur le rocher de Gibraltar. Cette position géographique et stratégique particulière décide la Marine à y construire, dès les années 1930, un très grand port de guerre.

La base navale sert de plateforme aux opérations en Méditerranée pendant la « drôle de guerre». Le 3 juillet 1940, elle reçoit le baptême du feu : la Navy de Churchill attaque une partie de la flotte française qui y est stationnée depuis la signature de l’armistice. Mille trois cents marins trouvent la mort. Pendant la guerre, les travaux du port se trouvent ralentis mais sont cependant poursuivis. En 1942, les Alliés prennent pied dans les départements d’Afrique française pour préparer les débarquements à venir. Ils livrent combat contre les généraux de Vichy, qui capitulent au bout de trois jours. Ils restent stationnés deux ans en Afrique du Nord et en août 1944, ils se joignent à l’armée d’Afrique et embarquent à Mers el-Kébir : les débarquements de Provence sont en marche…

L’écriture de ce roman est en elle-même une aventure. Mes ancêtres espagnols firent partie de ces gens qui, au 19ème siècle, traversèrent l’étroit bras de mer séparant l’Andalousie de la côte africaine, pour tenter leur chance sur la terre d’Algérie, devenue terre française. J’ai trouvé dans les souvenirs de témoins la matière de mon roman. Au départ, je souhaitais confronter les légendes dont j’ai été bercée à la réalité de la grande Histoire. Je me suis renseignée. Intéressée par ce que je découvrais, désireuse de compléter ma compréhension du lieu et de l’époque, je me suis rendue aux archives de la Marine française. Dans les livres, les cartons, j’ai découvert avec fascination une véritable épopée. Le désir de raconter le port de Mers el-Kébir s’est emparé de moi et ne m’a plus quittée. Mes premiers essais avaient des allures de documentaire. Peu à peu mon projet se précisait, ce passionnant contexte historique reculait au second plan pour servir de toile de fond au destin de mes personnages. Pour donner de la « chair » à mon récit, j’ai recueilli de nombreux témoignages, j’ai ajouté le soleil, la Méditerranée, les bateaux de guerre, les barques de pêche, les mères, les jeux des enfants, l’amour.

Mon roman met en scène une famille de pêcheur, témoin d’événements dramatiques de la guerre. Le petit Michel d’Ambrosio grandit sous l’œil tutélaire de sa Moman, entouré de papa, Joanno et Tessa, en compagnie de ses inséparables amis Samir et Norbert. Son enfance se déroule au cœur des djebels, libre et insouciante, à travers les épreuves de la guerre, sur fond de la construction de l’immense port de guerre. Tandis que les parents luttent pour la survie, les trois enfants jouent dans la lumière. Dans les collines, ils posent leurs pièges à oiseaux ; sur les plages, ils lancent leurs cerfs-volants. Ils s’amusent avec des casques de militaires et des ceintures de mitrailleuses ramassées par terre. Les yeux de Michel s’ouvrent sur un monde à la fois dangereux et passionnant. Un mystère plane autour de lui ; il avance sur son chemin et, peu à peu, se dessine son destin.

Donner souffle et vie à des personnages inventés, faire revivre une époque révolue, un monde disparu, peindre des tableaux d’un pays que je n’ai pas connu, fut une des plus belles et plus riches expériences de ma vie.

 



« L’enfant de Mers el-Kébir », Sophie Colliex, (éditions Encre Fraîche, Genève, mars 2015). Lire un extrait.

En savoir plus sur l'auteure: www.sophie-colliex.com/