Manuela Ackermann-Repond

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Née dans le canton de Fribourg où je réside toujours, je ne me déplace jamais sans mes personnages ni sans un petit carnet. Je suis tombée passionnément amoureuse de la lecture dès que j’ai su déchiffrer les mots. Lire m’a toujours apporté de multiples émotions et parfois une évasion bienvenue. D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai voulu devenir auteure. J’ai noirci de nombreux petits carnets, enfant puis adolescente, et à l’âge adulte j’ai conservé des débuts de récits, des idées de romans dans ma tête, sans oser me lancer. Comme pour beaucoup d’écrivains, le déclic est venu d’une nécessité quasi vitale d’écrire, pour des raisons d’ordre privé, dans mon cas. En 2014, en six mois, j’avais jeté sur le papier une première version de mon roman « La Capeline écarlate ». Il est paru ce mois de janvier 2017 aux éditions Slatkine.

Incapable de vivre sans créer, je me suis tournée vers l’enseignement des activités créatrices au cycle primaire, et de l’économie familiale au secondaire I.

Plus d'informations sur l'auteure: www.manuela-ackermann.ch

 

 

 

 

Bibliographie

 

 

Janvier 2017: « La capeline écarlate », roman, Éditions Slatkine, sélectionné pour le Prix de la SPG

Novembre 2016: « Aube vive », nouvelle, recueil « Noir et Blanc », collectif, Éd.Hélice Hélas

Novembre 2016: « Deux », nouvelle, Concours Edilivre « La différence », 4ème place

Novembre 2016: « Fascination pour un tableau », nouvelle, 2ème place concours le Scribe

 

 


 

"La Capeline écarlate", Editions Slatkine 2017

 

 

Résumé

 

 

« Un chapeau peut-il changer le cours d'une vie? Mila, jeune adulte en délicatesse avec son passé, nous raconte sa quête d'identité dans le monde des modistes et du cinéma dans la deuxième moitié du XXème siècle. Cet univers, où le paraître règne et les apparences sont parfois trompeuses, nous emmène de rencontres ensorcelantes en évènements tragiques, de découvertes enrichissantes en surprises bluffantes. Histoires d’amitié, d’amour, de deuils, de passion pour un métier s’entremêlent. Jusqu’au rebondissement final. »

 



Extrait

 

« Je sentais que le chapelier voulait dire quelque chose mais ne pouvait s’y résoudre. Enfin, il leva les yeux de la calotte, me regarda et me confia ce qu’il avait sur le cœur : — Cela fait bien longtemps que tu es là à m’aider à l’atelier ou au magasin. Il y a, tu le vois bien, de moins en moins de travail. Les commandes diminuent d’année en année. Les gens préfèrent acheter leurs chapeaux ailleurs. Certains, même, n’en portent plus guère qu’aux grandes occasions. Le travail d’artisan n’est plus reconnu. Il toussota, attendant que je lui réponde. J’acquiesçai mollement, devinant ce qu’il allait me dire ensuite. — J’ai mis de l’agent de côté malgré tout et puisque je suis seul, j’ai peu de besoins. Je n’ai pas d’enfants, je n’ai jamais su y faire avec les femmes…

Je rougis, lui aussi me sembla-t-il. –il reprit :

— Mon atelier ne durera pas éternellement et je doute pouvoir te garantir un salaire encore longtemps…
— Pas besoin de vous fatiguer, j’ai compris, vous allez me virer, le coupai-je fort impoliment, mon manque d’éducation et ma fougue me dépassant encore une fois.

Il me scruta de ses yeux perçants, posa la calotte puis annonça :
— Non, grand Dieu, non ! Je te propose un stage ailleurs. Les économies te serviront à t’offrir le voyage et l’hôtel.
— Un stage ? Mais de quoi ? Où ?

Ma curiosité piquée, je le pressais de questions à la manière d’un petit enfant devant son cadeau de Noël. Enfant, ça oui, je l’étais encore tellement à ce moment-là ! Beaucoup de naïveté, un soupçon d’égocentrisme et de fraîcheur, je me censurais peu. Il eut un petit rire satisfait, croisa les bras sur son gilet et annonça qu'il avait besoin d'une tasse de café. Il se leva et monta à l’étage. Je me renfrognai et lui emboîtai le pas. Je savais par expérience qu’il aimait suivre tout un rituel pour préparer son breuvage noir.

Tout d'abord, chauffer l'eau une première fois, ajouter le sucre. Après seulement, il pesait – oui, pesait ! – avec précision la quantité de poudre de café avant de la déposer dans la cassolette et de porter le tout à ébullition en surveillant la mousse.

Il regardait alors avec bonheur les bulles ambrées monter jusqu’au rebord de son récipient en cuivre. Et si jamais il me prenait l'envie de l'interrompre par une question, il recommençait tout depuis le début, totalement décontenancé.

Je rongeai mon frein en suppliant mentalement l’eau de bouillonner très vite au travers de la poudre couleur d'humus. Enfin, il apporta deux tasses de café fumant et expliqua pour la énième fois :
— La préparation d'un bon café c'est une méditation, tous les sens sont sollicités : l'ouïe avec le clapotis de l'eau bouillante; la vue avec l'alternance du brun et de l'or, l’éclosion des bulles parfaites; l'odorat avec ce fumet incomparablement plein, le toucher à travers la chaleur de la tasse et l'onctuosité du café moulu et enfin – quel bonheur ! – le goût ! Si rond, si délicatement boisé avec juste cette pointe d'amertume. Il faut du temps pour savourer tout cela.

Il soupirait d'aise, déposait ses lunettes sur la table et aspirait bruyamment une première gorgée en fermant les yeux.
— Le bonheur est tout entier représenté dans une tasse de café, murmura-t-il. »